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Enfermés, isolés et sans activité...

Quelle vie pour nos animaux familiers?

 

Nos conditions de vie moderne sont-elles toujours compatibles avec celles de nos animaux familiers ? Leur offrons-nous l’environnement idéal à leur épanouissement ?

Rien n’est moins sûr, mais pour bien faire, encore faut-il connaître les besoins vitaux de l’animal dans un contexte naturel.

 

« Une vie de chien ! »

Nos animaux domestiques souffrent trop souvent de l’inactivité, liée couramment à l’isolement (ne pas avoir accès aux autres congénères ou à d’autres espèces, ne pas pouvoir avoir de relations sociales en général) et également à l’enfermement (espace de vie trop réduit sans possibilité de se dépenser physiquement).

Peu importe que le lieu de vie fasse 200m2 ou seulement 30m2, cela ne change pas leurs besoins : être stimulé, agir, jouer, et se mettre en mouvement pour assurer leur survie.

Cette inactivité est une importante source de troubles du comportement chez les animaux. On ne parle pas vraiment d’ennui chez l’animal, car c’est un sentiment proprement humain. Mais si l’on considère que tout être est constitué d’un capital énergétique permettant la vie, alors disons que nous obligeons l’animal à accumuler cette énergie, sans possibilité de l’utiliser. Ce « trop-plein » doit s’exprimer d’une façon ou d’une autre, et là les ennuis commencent.

Il est démontré que l’enfermement dans un espace réduit avec peu de stimulations sensorielles (lumières changeantes, objets de formes différentes ou sons variés etc.) a deux types de conséquences chez l’animal :

* il fabrique moins de neurones et de cellules qui permettent leurs connexions (il ne peut pas devenir « intelligent »)

* son cerveau est plus petit et moins ramifié, donc moins efficace que celui d’un animal vivant en liberté et il assimilera moins bien de nouveaux apprentissages ou de nouvelles expériences.

Or, en laissant un chat, un chien, un cheval ou tout autre animal tout seul des journées durant dans un habitat fermé et silencieux (un appartement, un box, une cage), revient à lui offrir une sorte de « prison dorée ». Certains parlent de « violence invisible ».

 

Connaître les besoins naturels de son animal.

A quoi les animaux vivant en liberté occupent-ils leurs journées ? Comment divisent-ils leur temps et comment se dépensent-ils ?

Pour respecter au maximum un animal en captivité, il faut connaître son éthogramme, c’est à dire son comportement naturel en liberté.

Un animal consacre une bonne partie de sa journée à la recherche de nourriture (chasser, cueillir, brouter) et à sa consommation.

Il passe aussi beaucoup de temps dans les relations (s’il est un animal d'espèce sociale). Cela inclut les phases de jeu, de toilettage mutuel, de reproduction, de recherche de partenaire et de comportement de reconnaissance (c’est bien toi ? Oui, je suis bien de ton espèce, de ton groupe, de ta famille…).

Le marquage du territoire mobilise aussi l’animal : il faut en faire le tour, sentir ses propres traces et en déposer de nouvelles, vérifier à qui appartiennent les différentes odeurs, et le défendre des ennemis ou concurrents potentiels au besoin. Pour les femelles de toutes les espèces (saufs quelques exceptions), l’élevage des petits est une importante source d’activité. Enfin, les animaux se reposent (en ne faisant rien) et dorment une bonne partie de la journée.

A la lumière de ces informations, on constate qu’il ne reste à l’animal domestique qu’une infime partie de ses activités naturelles et nécessaires.

Quand le cheval par exemple est libre toute la journée, sa dépense physique est modérée mais presque constante, avec quelques épisodes brefs de dépense plus intense.

Le chat errant chasse beaucoup et parcours son territoire durant de longues heures (de nuit surtout). Il dort aussi 16 heures par jour environ.

L’homme exerce par exemple sur le chien familier une telle répression de ses diverses activités naturelles qu’il ne reste à celui-ci que peu de possibilité de les pratiquer :

* Son  comportement alimentaire : plus question de prédation et recherche de nourriture

* Son comportement exploratoire : l’activité de flairage est tellement réprimée… que ce soit pour l’identification des êtres humains qui socialement ne supportent pas l’exploration de leur zone génitale !! Ou même celles de ses propres congénères, y compris de leurs excréments !

* Son comportement sexuel et de recherche de partenaire : soit drastiquement réprimé, soit exploité voire surexploité dans le cas de l’élevage, sans soucis des affinités entre mâles et femelles.

* Son comportement de veille et sommeil : entièrement soumis aux rythmes (changeants) de vie de ses propriétaires.

 

Les animaux de compagnie ont une souplesse et une capacité d’adaptation qui leur permet de vivre malgré des conditions de vie contraignantes mais il y a des « limites » à ne pas dépasser. Le seuil de tolérance varie d’une espèce à l’autre, et d’un individu à l’autre au sein d’une même espèce. Médor supportera ce qui rend fou Rex, et Minette se contentera de ce qui fait pourtant souffrir Félix.

 

Les conséquences de l’isolement, de la solitude et de l’inactivité

Le tic est un mouvement répétitif qui a pour but de compenser en partie un mal-être. Si l’on tente d’empêcher ce tic sans prendre en compte les causes de son apparition, celui-ci sera rapidement remplacé par un autre. Il est donc parfaitement inutile de lutter contre un tic tant qu’on ne s’attaque pas à son origine.

Chez le chat

Une multitude d’actions « déviantes » et de tics peuvent s’installer dans son comportement, comme des réactivités agressives envers les propriétaires ou/et la pratique excessive de comportements naturels. Se toiletter jusqu’à la dépilation, gratter la litière des « heures durant », "jouer" avec la nourriture ou les déjections, manger du tissu (ce qui peut entraîner des occlusions intestinales), ou bien grignoter des plantes etc. Tous ces comportements peuvent être le lot de chats trop inactifs et qui font usage (comme ils peuvent !) de l'énergie dont ils disposent ! D’autre part, si le propriétaire représente pour l’animal sa seule source d’activité de la journée (matin et soir avant et après le travail), il peut devenir hyper-dépendant mais surtout très actif la nuit et réveiller toute la maisonnée.

 

Chez le chien

Animal social et de contact, le chien peut souffrir de rester seul de trop nombreuses heures dans la journée. Des dégradations de l’habitat (mobilier, vêtements, matériels divers) viennent signaler sa détresse dans ces absences des autres membres du groupe familial.

Des gémissements, aboiements, hurlements, des salivations excessives (et qui inondent le sol !), des diarrhées ou des activités auto-centrées de léchage sont également observées, et certaines de ces manifestations pouvant même s’additionner*.

Un chien laissé seul dans un jardin peut s'égarer en grattages des plantations ou trous dans la pelouse, voire en déambulations sans fin derrière la clôture (sans jamais changer son trajet) et exprimer là un malaise rarement repéré comme tel.

Qu’il soit bien entendu que les dégradations diverses ne sont pas des vengeances comme il est encore trop souvent conclu ! Le chien ne fait alors que rediriger la détresse émotive qu’il ressent, en actions de grattages ou mâchouillements de son environnement, et ce pour tenter de se libérer de ses tensions.

Les solutions

Des solutions existent, encore faut-il se donner les moyens de les mettre en œuvre. Si l’espèce est sociale, veiller à proposer un ou plusieurs copains à notre animal est une constante. Pour l’inactivité et la claustration, on s’attachera à agrandir l’espace de vie et à proposer des objets ou des activités qui stimuleront l’animal.

Pour un chat

On peut aussi mettre des jouets à sa disposition, mais s’il n’y personne pour les mettre en mouvement, autant s’abstenir de frais inutiles ! Seulement 2 ou 3 jeux bien choisis peuvent faire le bonheur des chats, mais un compagnon de jeu avec lequel il s’entende bien peut faire des miracles. Un compagnon d’une autre espèce peut aussi s’avérer être un bon remède (ou un enfer… ! gare à la socialisation précoce de l’un et de l’autre !)

De récentes recherches scientifiques ont prouvé que contrairement à ce qu’on l’on croit généralement, le chat domestique est plutôt un animal social. Il peut donc être salutaire d’adopter en même temps un chaton et un de ses frères et sœurs (recommandation d’autant plus évidente si le chat doit vivre dans un appartement ou une maison où il n’aura pas accès à l’extérieur). Ce qui ne sera pas utile pour un chat qui peut se balader à sa guise dans les environs.

 

Pour le chien

La première précaution à prendre si l’on doit s’absenter chaque jour pour son travail est de ne pas favoriser chez lui une hyper dépendance dès son jeune âge.

Trop de stimulations ou contacts quand on est à la maison le laissent immanquablement d’autant plus dans le vide quand on s’absente ! Il s’agira de trouver le bon équilibre entre trop et puis plus rien ! Ensuite l’initier à exercer sa mâchoire sur des os de buffles ou autres jouets réservés à cet effet, qu’il aura donc toujours à disposition.

Bien sûr les promenades sont pour le chien l’indispensable besoin (et distraction à la fois !) qu’il faut lui réserver plusieurs fois par jour, et même s’il dispose d’un jardin (combien se dispensent de sortir leur chien sous prétexte qu’il a un grand espace vert ! C’est douloureusement le limiter).

 Il peut ainsi exercer son comportement exploratoire et découvrir avec délice les 1000 odeurs qui jalonnent la balade.  A l’entretien de sa socialisation (aussi bien à ses congénères qu’aux humains rencontrés) s’ajoute bien sûr une salutaire dépense d’énergie qui devra être adaptée à la race comme à l’âge de l’animal.

Quant à lui proposer un compagnon de vie (chien ou chat) attention à la socialisation précoce de chacun !

 

Sachons enfin que nos animaux peuvent aussi souffrir exactement du contraire, c’est à dire d’hyper stimulations de leur environnement. (Trop d’exercice, trop de bruit, de lumière, de va-et-vient, de changements de conditions de vie…etc.), mais c’est une autre histoire.

Captifs, dépendants … ils sont à notre merci, alors apprenons à respecter leurs besoins naturels.

Texte de Danièle Mirat co-rédigé avec Florence d’Ivernois (Ethologue) et publié dans le magazine "Santé Pratique Animaux" n°19

 

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